Marta et Arthur

SCHÖNHERR Katja

Hier, Marta a eu 59 ans. Son mari septuagénaire est mort près d’elle cette nuit, dans leur lit. Au petit matin elle descend sur la plage remplir de sable deux sacs plastique. Avec difficulté, elle remonte chez elle, déshabille Arthur et tente d’ensevelir le corps sous une couche de sable. Au cours des heures qui suivent, seule avec le cadavre, elle organise un rituel funéraire et mémoriel à sa façon tout en repoussant le moment de prévenir leur fils Michael, 40 ans. Des années auparavant il lui a intimé l’ordre de ne l’appeler qu’en cas d’extrême urgence.

D’une grande force et d’une cruauté implacable, le premier roman de Katja Schönherr décrit un huis-clos conjugal où l’absence de tendresse vire à la haine. La relation du couple est fondée sur le désaccord et la misère affective. Elle, jeune fille rejetée par une mère alcoolique, croit trouver un substitut paternel dans le professeur trentenaire qui la séduit. Lui, précédemment déçu en amour, réfugié par dépit en bord de mer, frustré, se venge de ses ratages et de ses penchants mal assumés. L’un et l’autre se complaisent dans l’engrenage et l’impossibilité à défaire des liens toxiques. Nulle violence physique entre eux : tout passe par des persiflages, tortures psychologiques, espérances piétinées, méchancetés gratuites allant crescendo jusqu’à l’insupportable. Des descriptions naturalistes frôlant parfois l’insoutenable, une construction subtile et efficace, une écriture au scalpel : une réussite. (T.R. et E.M.)