Comment être juif et allemand au XXe siècle ? Né à Vienne en 1878, ne rejoignant la Palestine qu’en 1938, Martin Buber incarne un défi, celui lancé à sa génération, à Freud, Einstein, Zweig, Kafka…, dont l’oeuvre est indissociable d’une langue et d’un territoire engagé dans deux guerres mondiales et une idéologie mortifère. Devaient-ils, comme Juifs, s’assimiler à la société où ils étaient nés et avaient été éduqués ? Adhérer au contraire au mouvement sioniste et à la création d’un État indépendant en Palestine – fût-ce contre les Arabes ? Ou investir le judaïsme allemand d’une mission plus haute, plus universelle, de réflexion ? Face à ces questions, Dominique Bourel dévide l’écheveau complexe d’une pensée humaniste d’inspiration hassidique. Sur plus de soixante tragiques années, dans d’intenses débats avec des intellectuels, politiques, historiens ou religieux de tous bords, Martin Buber ne cessa de dénoncer la vacuité du conservatisme talmudique comme la cécité d’un certain sionisme. À travers ses publications, sa correspondance ou son enseignement, on découvre comment il milita sa vie durant pour une identité juive éclairée qu’il fonde sur la « grâce incertaine, éblouissante » de l’expérience et de la rencontre de l’autre. Une étude exigeante sur la mémoire juive allemande de l’histoire européenne. (A.Lec.)
Martin Buber : sentinelle de l’humanité
BOUREL Dominique