Mauvais genre

ALDERMAN Naomi

À la grande fierté de ses parents, typiquement middle-class, James a été admis à Oxford mais ses débuts sont lourds de désillusions : des résultats décevants, des professeurs et des camarades odieux, un accident stupide… Bref, de replis successifs en solitude absolue, rien ne va plus pour James jusqu’au jour où il fait la connaissance de la charmante Jess qui l’introduit dans un petit cercle d’étudiants. Le pivot central en est Mark, richissime personnage fitzgéraldien aussi attirant pour les femmes que pour les hommes et totalement déséquilibré. Durant plusieurs années, entre beuveries, expérimentations multiples, discussions passionnées et révisions d’examens, des relations très fortes mais ambiguës se tissent au sein du groupe qui profite de la générosité de Mark dans la bohème de son immense maison. Puis vient le temps de la vraie vie, du travail et de la famille, qui éloigne les amis, rapproche dangereusement Mark et James et fait tomber les masques. De retrouvailles en séparations, le groupe se désagrège. Il ne finira par subsister des temps bénis de la jeunesse qu’une sourde nostalgie teintée de frustration menant au drame.

 

Naomi Alderman, elle-même diplômée d’Oxford, dépeint avec force détails les arcanes de cette prestigieuse institution conservatrice dont elle connaît les rites, les privilèges et aussi les failles. S’appuyant sans doute sur ses propres souvenirs, elle met en scène toute une brochette de protagonistes, fouillant avec finesse la  personnalité de chacun dans la tradition des romans psychologiques anglais. Au fil d’une suite de rebondissements tour à tour pittoresques ou dramatiques, elle analyse sans tabou les amitiés et amours estudiantines, homosexuelles ou non. Tendresse, jalousie, manipulation, cynisme, culpabilité et perversité, tout le jeu des sentiments amoureux est passé au crible et subtilement disséqué. Une écriture rigoureuse et délicate, ainsi qu’une construction simple, charpentée en trois parties, ajoutent à la séduction – certes un peu vénéneuse – de ce roman doux-amer sur le thème intemporel des paradis perdus et des années enfuies.