Sandor Novick est dĂ©vastĂ©. Sa famille vit un tsunami : sa fille Constance est schizophrĂšne ; son pĂšre, saisi de dĂ©mence, est hospitalisĂ© et va bientĂŽt mourir ; sa mĂšre a la maladie d’Alzheimer. Dans cet univers plombĂ©, sa femme le quitte et deux de ses trois fils le prĂ©occupent : lâun est autiste et geek, lâautre militant Ă©coradical et zadiste. Et Sandor, magnĂ©tisĂ© par ceux quâil appelle les « corps errants », finit par ne voir que des fous⊠et par les attirer.
AprĂšs plusieurs essais remarquĂ©s (L’autre vie d’Orwell, Les Notes dĂ©cembre 2012), Jean-Pierre Martin choisit la fiction pour traiter de la folie. Il dĂ©nonce « les symptĂŽmes dâun dĂ©lire gĂ©nĂ©ral » et lâaccĂ©lĂ©ration du dĂ©rĂšglement psychotique – actuels chefs dâĂ©tat Ă lâappui. Avec empathie, il cherche Ă comprendre en se rĂ©fĂ©rant Ă la littĂ©rature et en dĂ©crivant la folie de ses proches, des gens Ă problĂšmes, et de tous les anonymes croisĂ©s au hasard des rues. Descriptions douloureusement rĂ©alistes de ces innombrables fĂȘlĂ©s, dĂ©lirants, engluĂ©s dans une sociĂ©tĂ© dĂ©lĂ©tĂšre. Une connaissance aiguĂ« de la « maladie psychique » ne fait pas de ce texte une Ă©niĂšme Ă©tude, mais une rĂ©flexion profonde sur le mal de vivre – quâhumour et sensibilitĂ© rendent parfois poĂ©tique et moins bouleversant. (D.D. et B.T.)