C’est un petit garçon qui s’ennuie derrière la fenêtre de sa chambre, dans la grisaille du jour. Il sort « prendre l’air » comme le suggère sa maman et s’éloigne sur son vélo-de-petit, encore équipé de stabilisateurs. La rue s’ouvre à lui, bordée de maisons et d’immeubles avec ses grands réverbères et ses feux tricolores. Le voilà parti ! Seul ? Pas exactement : apparaît au loin un étrange personnage tout blanc, coiffé d’un petit chapeau pointu orange fluo, juché, lui aussi, sur un vélo. Commence une longue promenade à deux qui se poursuit à travers champs, sur une route de campagne avec virages et descentes. Le jeune cycliste s’enhardit : au diable ces encombrantes petites roues ; le « grand » en fait son affaire. Un peu clown, un peu magicien, il fait jaillir d’on ne sait où, au gré des besoins, parapluie, barre de chocolat ou pompe à bicyclette. Une averse puis du soleil, et même une petite sieste. Lequel des deux désormais va le plus vite et fait fi du panneau d’interdiction de doubler ? Tout est simple dans ce parcours où se jouent apprentissage et première émancipation. Qui est cet « autre »qui n’a pas de nom, survenu comme par enchantement ? Peu importe : tout en rondeurs douillettes et onomatopées, peut-être est-ce le compagnon imaginaire de l’enfant qui, lui, commente abondamment « leur » promenade. Rassurant et facétieux, il disparaît, sa mission accomplie. Il est alors temps, pour l’enfant, de rentrer à la maison dans la lumière dorée de la fin du récit, tout plein du secret de son escapade. Cela s’appelle grandir. Pour cette promenade hivernale pleine de charme, on part de la ville et on y revient : le décor urbain très graphique passe du gris des premières pages à la luminosité des dernières et encadre un paysage de campagne avec ruisseaux, prairies et vallons, épuré lui aussi, dans une palette raffinée tout en nuances. Le parcours est balisé avec humour de panneaux de signalisation souvent incongrus et par la présence, page après page, de spectateurs attentifs ou étonnés : du chat de ville aux vaches des champs, du renard à l’affût aux escargots nés de la pluie ou aux papillons éclos avec le rayon de soleil, ils disent la tonalité du moment. Autant de détails délicieux qui font le charme inopiné de la lecture et de la relecture. Des planches façon BD alternent avec ces plans larges pour une approche au plus près des personnages : le récit, séquencé en vignettes, livre alors les émotions du jeune héros aussi bavard que son compagnon ne l’est pas : rien ne nous échappe des émois du néophyte à deux roues. Un album évidemment pensé et écrit pour les enfants. (M.T. et A.-M.R.)
Mes petites roues

PELON Sébastien