Dix ans après le divorce de ses parents, Victor, le fils aîné, raconte. Il a alors dix-huit ans et passe son baccalauréat. Son père, pittoresque Camerounais devenu, après des études de lettres, écrivain sans grande renommée, est un homme à femmes. Sa mère, amoureuse et blessée, est une Blanche dont les parents, bourgeois provinciaux, n’ont guère admis le mari ; celui-ci, à vrai dire, ne les supporte pas. Les enfants – au nombre de trois – sont donc métis, mais ne semblent pas en souffrir, au contraire de leurs parents que sépare une « palissade » invisible. Eugène Ébodé est également d’origine camerounaise ; comme son héros il est écrivain, mais reconnu, et il vit en France. Ses romans témoignent d’une certaine nostalgie de l’Afrique (Silikani, NB mai 2006). Celle-ci est encore présente ici, mais pas seulement. C’est aussi le portrait d’un homme exubérant, incapable de dissimuler, conteur né, et d’une verve savoureuse. La langue est belle et tendre, pleine de cocasserie et de poésie. Le récit est un peu décousu, cependant le kaléidoscope des images africaines, des paysages du Gers et des relations humaines dessinées d’une plume tout à la fois acérée et bienveillante, rend ce livre attachant, étonnamment enjoué en dépit de son sujet mélancolique : l’adieu à l’enfance et à la famille.
Métisse palissade
ÉBODÉ Eugène