Nul ne peut forcer l’intimité que Miguel, vieil homme solitaire, mutique, partage avec Ramon, son chien. La venue de sa soeur pousse les deux complices à fuir Talavera pour rejoindre, en Estrémadure, le berceau familial, englouti sous les eaux d’un barrage. Devant son village reconstruit, Miguel voit défiler sa vie de jeune républicain, victime, en 1936, des atrocités de la guerre civile. Des rencontres inabouties, la disparition d’un frère jumeau scandent ces mille années lointaines et les rares locaux survivants n’ont rien oublié. C’est dans un lieu sans mémoire que les souvenirs se bousculent dans la tête et le coeur du héros immortalisé par l’auteur de Saison Rouge, NB avril 2008. Mal aimé, mal aimant, cet homme vit depuis sa naissance en perpétuel décalage : mutilé par l’absence de son double, victime d’événements historiques qui le dépassent, en rupture sociale et culturelle, dans l’impossibilité de nouer des liens, des fantômes l’habitent. Bien construit, âpre et charnel, ce beau roman est servi par un style riche, concis et poétique. Il exprime avec sensibilité le réalisme des situations, le caractère d’êtres en quête de tendresse, de vérité et de rédemption. (A.C. et A.Be)
Mille ans après la guerre
FERNANDEZ Carine