Jeu de miroir… ou avec un miroir ? Dédoublement de la personnalité ?
Difficile d’échapper à la connotation psychologique de cette délicate scène de conversation d’une petite fille avec son propre reflet dans un miroir, matérialisé par le milieu de la double page.
Repliée sur elle-même, l’enfant, en relevant la tête, découvre son reflet dans la glace. Elle passe par une succession d’émotions : grimaces, refus, blague, approche timide qui s’épanouit en une explosion de joie, un foisonnement de couleurs. Jusqu’à fusionner complètement l’une dans l’autre au milieu de la page dans une éclaboussure bariolée évoquant les symétries fantasmagoriques des psychologues.
Enfant et double resurgissent plus tard, non plus en symétrique, mais en parallèle, comme si la fillette, personnalité dédoublée, se trouvait confrontée à une autre elle-même, indépendante. Au point de ne plus parvenir à s’accepter dans le miroir…
Sans accompagnement de texte, le trait au fusain est réduit au minimum : la fillette occupe avec son double le vaste espace blanc de la page. Les expressions lisibles sur son visage avec une vérité étonnante traduisent tous les sentiments d’une fillette confrontée à la découverte de soi. Ce n’est pas si simple, au point de devenir déstabilisant. Un très bel album, une étude psychologique très fine, mais une chute qui laisse perplexe. Un livre pour parler à deux, enfant et adulte.