Une fois encore, Éric Fottorino (Mohican, Les Notes septembre 2021) revient sur l’histoire de sa famille. Sa mère, délaissée par sa propre mère, a cherché l’amour dans les bras d’inconnus. D’un juif et d’un musulman, vite disparus, deux enfants sont nés : l’auteur et, trois ans plus tard, une petite fille qui lui a été arrachée à la naissance par des « bonnes sœurs » selon les vœux de la grand-mère.
Est-ce pour gagner en légèreté que Fottorino choisit l’économie de moyens ? Prolongeant les vers de Baudelaire, ce long poème en prose sonne comme un cri de désespoir au cours duquel il s’adresse d’abord à sa mère tant aimée, puis à sa sœur, cette inconnue, avec qui il s’invente des souvenirs. Le résultat, éminemment suggestif, est d’autant plus percutant que le sujet est tragique : l’abandon, l’amour, le manque, la misère financière et affective, l’inconnu(e), l’absence de réponse, l’énigme de l’absence, l’absence tout court, la colère, le désastre… Avec la délicatesse, la sensibilité et le talent qu’on lui connaît, usant parfois de jeux de mots lacaniens, Fottorino raconte la détresse de cette perte, le déchirement sans fin, et la plaie béante qu’ils ont laissée. Poignant. (D.D. et M.-F.C.)