Huit suspects âgés de douze à dix-neuf ans, rapporte l’officier de police, ont braqué une station service, dévalisé un magasin de téléphones portables, volé trois voitures, agressant, violant, tuant, puis sont revenus dans leur bidonville, au nord-ouest de Lisbonne…La trame est donnée. Déjà, entre les lignes, phrases et mots du rapport administratif, s’insinuent les rêveries récurrentes du rédacteur, de fugaces images de son enfance ou de sa vie conjugale ratée. Le procédé se poursuit à travers les dépositions des proches, des accusés qui écrivent eux-mêmes ce qui est surtout leur histoire. Une histoire misérable dans ce ghetto en ruines, emmurés qu’ils sont dans une solitude désolée, vide de tout amour, où des relations familiales toujours manquées – par mort ou indifférence – ont creusé des gouffres d’amertume et de douleur, obsessionnellement explorés.
Après Que ferai-je quand tout brûle ? (NB août-septembre 2003), António Lobo Antunes poursuit une recherche stylistique difficile : le texte éclaté oblige à des interrogations continuelles. Et la noirceur du récit, présidé par le titre satanique, achève de terrasser le lecteur. Tout y est atroce : le racisme, le désespoir, la violence gratuite, la médiocrité, criminelle parfois. Les dernières pages, superbes, confirment cependant un sentiment latent : voici une oeuvre majeure.