« Parce que c’était lui, parce que c’était moi » ainsi Michel de Montaigne, icône vénérée de l’Humanisme, immortalise-t-il le sentiment qu’il porte à Étienne de La Boétie. Montaigne aimait-il vraiment cet ami qui lui avait promis de le faire entrer au Parlement et n’a pas tenu parole ? Cet aphorisme va être mis à mal : des exégètes, historiens, universitaires sèment quelque doute sur la réalité et la pensée de l’écrivain philosophe, auteur des Essais.
Trois parties composent cette fiction historique habile, polar érudit, joyeusement iconoclaste. La première (1559-1592) retrace, de son vivant, les ambitions, les amours du maire de Bordeaux, son voyage à Rome. Puis, entre 1614 et 1933, de minutieux documents évoquent la vie au temps de la Renaissance, l’adultère de Michel avec Marguerite de La Boétie et le possible meurtre de l’ami. Enfin, de 2010 à nos jours, les codes du roman policier sont maniés, en une subtile mise en abyme, par un universitaire spécialiste de Montaigne (transparente réplique de l’auteur) et sa doctorante américaine dont la thèse scandalise de grands pontes de la Sorbonne. Jubilatoire, tonique, ce roman, qui marie avec bonheur style indirect et direct, démontre preuves à l’appui qu’une autre vérité, alternative, plus vraie que nature peut bouleverser les certitudes les mieux établies… Montaigne revisité ! (A.C. et C.P.)