Né en ex-Yougoslavie, l’écrivain-narrateur de ce long monologue est un traducteur célibataire et routinier, politiquement neutre jusqu’à ce qu’il se trouve involontairement mêlé aux événements tragiques qui secouent son pays à partir de 1985. Il part se réfugier au Canada, via divers pays européens, sans cesse poursuivi. Il y rédige, non pas un angoissant thriller, mais un récit des événements sur fond autobiographique, prétexte à de multiples réflexions sur le temps, la vérité, l’art, l’amour, la médiocrité humaine. Rappelant le fond et la forme de ses romans antérieurs (cf. Globe-trotter, NB février 2006), David Albahari, en quête du mot juste, de la description précise, déroule ses phrases avec humour, sensibilité. L’ordre chronologique n’est pas son souci majeur, mais au gré de sa fantaisie, il rassemble ses pensées par thème, rebondissant plus loin sur un développement plus recherché ou un paradoxe frisant la contradiction. Cette façon d’écrire, d’avancer et revenir en arrière peut dérouter, mais la subtilité d’un style faisant s’épauler réflexion et action apporte un plaisir de qualité certaine.
Mrak (ténèbres)
ALBAHARI David