Depuis qu’en voiture sous une tempête de pluie il l’a entendu dirigeant la septième symphonie de Beethoven, le narrateur aime de passion Carlos Kleiber, le mythique chef d’orchestre. Il retrouve un violoniste de plus de quatre-vingts ans qui joua sous sa direction et fut son ami, en obtient un entretien qu’il enregistre et décrypte. Le vieil homme, agressif et moqueur, s’apprivoise lentement, parle de lui – son enfance autrichienne, sa longue carrière –, célèbre surtout son magnifique ami. Il revit les exigences folles du maestro pour servir une « musique absolue », ses réticences à l’affronter, son anxiété. Et sa mort anonyme… Après trois pages, le narrateur laisse monologuer le violoniste, mais derrière les interpellations ou les remarques ironiques, il subsiste, silhouette floue, en maître de la « machine » enregistreuse. Et tandis qu’à travers les anecdotes, les récits de concert, flamboie l’insaisissable éclat du génie de Kleiber, se dessine le troisième personnage, violoniste amer et exigeant, témoin de son époque. Ces plans superposés, avec leurs perspectives divergentes, donnent une ampleur subtile au récit. Le ton, intense, véhément, capte l’écoute et suscite la comparaison avec Thomas Bernhard (cité en exergue) évoquant Glenn Gould. Bruno Le Maire fait une belle entrée dans le roman.
Musique absolue : une répétition avec Carlos Kleiber
LE MAIRE Bruno