Algérie, Juillet 1962. Après les accords d’Evian, l’Algérie devient indépendante et l’exode des Français d’Algérie est massif et inquiet. Dans un climat violent et des oppositions tranchées, les rapatriés rentrent « une main devant, une main derrière » démunis et désorientés.
La genèse de cet album mérite d’être citée : le scénariste raconte un jour à son ami dessinateur le souvenir de son vol mouvementé entre l’Algérie et la France. Le talentueux P. Jusseaume (série Tramp) relève le défi d’en faire une BD ! L’anecdote sera romancée afin de condenser les enjeux de l’époque et satisfaire la soif du lecteur. Hélas, le dessinateur meurt après quelques travaux préparatoires – à voir en fin d’album – et le dessin est repris par Olivier Mangin, à la fois fidèle dans le cadrage et plus moderne dans le trait.
Visuellement, le scénario est très nerveux, dynamique, avec des contre-plongées, des plans serrés, des ellipses, renforçant les conditions d’une aventure haletante. De rares flash-back apportent une dimension supplémentaire à nos héros. La couleur en aplats ombrés restitue aussi densément le soleil implacable du désert, les lumières étranges de la cabine ou du cockpit dans ce huis-clos aérien, et l’ambiance fascinante de la nuit. Les phylactères sobres ponctuent les cases sans les envahir.
L’histoire a ceci d’intéressant qu’elle offre de nombreux portraits et points de vue : de l’enfant candide à l’homme, bon ou mauvais, de la femme sublime à la mère possessive, réunies dans la tristesse.
Sur une base classique proche de la « ligne claire », les auteurs ont réussi un album de suspense magistral et addictif, mêlant de bout en bout grande et petite histoire, pour le plus grand plaisir du lecteur.
(BV-MT)