Turque quarantenaire, l’héroïne frappe à la porte d’Ali, un amour de jeunesse qui l’a quittée des années auparavant et qu’elle aime toujours. Dans un acte vengeur et sacrificiel elle vient d’adresser un DVD à une vingtaine de personnes parfois très puissantes. Les images vont ruiner leur réputation et la mettre, elle, en danger de mort. L’accident de son père, la trahison, le départ de sa mère, la perversité d’un professeur, la corruption ambiante, l’abandon et les ruptures ont saccagé son enfance. Depuis, rebelle, provocante, scandaleuse, elle n’est qu’un être avide d’amour et taraudé par le ressentiment… Ce premier ouvrage traduit en France d’Ayfer Tunç, figure reconnue de la littérature turque, est un roman fleuve poignant. Le récit violent du mûrissement de la vengeance d’une femme complexe, victime fragilisée et durcie par de lourds traumatismes… Il se veut aussi un réquisitoire contre la vénalité de la classe dominante et l’hypocrisie d’un pays d’apparence démocrate. La narration à la première personne, le style fluide et imagé, le ton vindicatif, cru ou tendre, pointent l’obsession de l’héroïne. Malgré des longueurs et des leitmotivs voulus très répétitifs, on est saisi par cette peinture insolite d’une Turquie contemporaine prise dans ses contradictions.
Nuit d’absinthe
TUNÇ Ayfer