Je vis recluse depuis ma sortie de prison, mais, après ces longues années de mutisme, j’accepte de parler à une écrivaine. Elle m’observe et je l’observe ; nous ne nous livrons que par bribes. Qui est-elle ? En son absence, les mots se libèrent et je lui écris. Oui, je n’ai jamais nié l’avoir tué, sans jouissance ni remords, juste la certitude de savoir que c’en est fini des insultes et agressions quotidiennes. Dans un huis clos captivant, Maïssa Bey (Hizya, Livre du Mois NB décembre 2015) donne voix à une « criminelle » qui de victime est devenue bourreau. Symbole de la femme algérienne, la narratrice est soumise à la domination d’une mère qui la juge indigne d’amour et lui impose son mariage. Après l’enfer conjugal, la prison, lieu à part où elle partage le sort d’autres réprouvées, est vécue comme une délivrance. Alors que l’écrivaine l’invite à une réflexion sur son acte, elle l’interroge en retour, chacune jouant l’évitement et les non-dits. Or, sans le chercher, cette femme l’aide à comprendre sa vie. Composé en courts chapitres alternant lettres et réflexions intimes, l’auteur confirme son talent et un indéfectible engagement à défendre la cause de toutes les femmes. (M.R.)
Nulle autre voix
BEY Maïssa