2013 : Passablement bousculés par la vie, plus ou moins paumés, quatre trentenaires, anciens lycéens de New Canaan dans l’Ohio, se croisent par hasard dans la ville un soir d’été sans se rencontrer : Bill, le toxicomane gauchiste pacifiste, Stacey, homosexuelle en quête de son passé, Dan, changé par la guerre et toujours obsédé par son premier amour, et Tina, détruite par un petit ami sadique et tortionnaire…
Sur plus de cinq cents pages, ces quatre portraits aux destins mélangés de façon inextricable, racontent l’histoire d’une ville, d’une région, d’une époque, d’une jeunesse. Dans une belle langue fluide et remarquablement traduite, Stephen Markley, dont c’est le premier roman publié en France, décrit avec une maîtrise étonnante l’égarement d’une génération – la sienne – perdue faute de repères, profondément désabusée, victime de la récession et de l’échec du rêve américain, marquée par la guerre en Irak et le 11 septembre. Il propose un tableau hyperréaliste de l’Amérique actuelle et de ses démons : esprit va-t-en-guerre, racisme, pauvreté, intolérance, violence, addiction aux drogues, populisme. Cette fresque sociale déroutante, on l’aborde avec une certaine retenue, mais elle fascine bientôt par sa très grande justesse d’analyse. Un livre très noir, très fort, difficile, qui fait s’interroger avec inquiétude sur l’extrême vacuité d’objectifs qui règne dans les États-Unis d’aujourd’hui et menace leur avenir. Un auteur à suivre. (J.M. et M.-N.P.)