Un jeune garçon quitte son pays dévasté par la guerre : nuit noire, embarcation de fortune. Un ours, sur la banquise, à l’autre bout du monde, voit fondre autour de lui le territoire de ses aïeux : il dérive sur un iceberg.
L’album se lit tête bêche et les deux trajectoires se rejoignent magiquement au milieu. La rencontre des deux errants offre un dénouement imaginaire émouvant et tendre à ces deux histoires tristes : celles de deux victimes du monde comme il va, fonte des glaces pour l’un, exode pour l’autre, le blanc et le noir logés à la même enseigne d’un univers détraqué. La similitude des deux destins est accentuée par le traitement graphique de cet album sans paroles : l’image, en noir et blanc, hachurée, joue sur les effets angoissants d’un théâtre d’ombres. Dédoublée par le reflet dans l’eau de chaque séquence, elle acquiert une dimension fantasmagorique épurée d’une grande beauté. Sur les pages de garde, la carte stylisée de ce double voyage et un bref extrait du journal de bord des deux personnages aident le lecteur à entrer dans cet album exigeant et superbe. (C.B.)