Un fait troublant – et qu’il ignorait – de la vie d’Alfred Jauffret interpelle son fils Régis qui voit, en 2018 à la télévision, dans un documentaire sur la Police de Vichy, son père menotté, emmené de force de son domicile par deux agents de la Gestapo. Alors qu’il se lance dans des recherches, il évoque ce père, sourd et bipolaire, aujourd’hui disparu, dont il ne s’est jamais senti aimé.
Régis Jauffret, auteur prolifique, prix Fémina 2005, s’inspire clairement de sa propre histoire et focalise le récit sur sa relation inexistante avec un père qui a gâché son enfance et son adolescence par sa « non-présence ». Il met toute la force de la plume véhémente et provocatrice dont il est coutumier (Cannibales, NB novembre 2016) pour exprimer la douleur de cette profonde blessure qui ne s’est jamais refermée et qui, pour une grande part, est aussi à l’origine de sa vocation d’écrivain. En romancier chevronné, il habille habilement la réalité des voiles de la fiction, donne corps à un géniteur anti-héros, éructe avec talent sa passion-haine pour celui qui lui a fait défaut. Un livre qui éclaire l’oeuvre de Jauffret, et suscite une réelle émotion. (L.K. et B.T.)