Penser contre soi-même

DEVERS Nathan

Nathan Devers, remarqué par un roman sur le métavers (Les liens artificiels, Les Notes août 2022) donne ici un éclairage sur le cheminement de sa pensée à travers sa biographie de jeunesse dans un milieu juif orthodoxe où il se destinait à devenir rabbin. Mais une découverte très personnelle de la philosophie via la littérature, puis l’Ecclésiaste et les Sceptiques, entraîne une remise en question radicale de sa foi juive, tout en reconnaissant ce qu’elle lui a apporté et les rencontres essentielles et formidables qu’elle lui a procurées. Il raconte sa vie de collégien heureux dans le quartier d’Auteuil à Paris où il fréquentait avec autant de joie de vivre le lycée et le centre hébraïque (fondé par Levinas) qui le sollicita régulièrement pour commenter la Torah, l’intermède malheureux dans un lycée orthodoxe juif en banlieue, ses séjours en Israël… ceci d’une plume gourmande, cultivée, brillante, décontractée, vivante et explicite. Dans la dernière partie, nerf de la guerre, il développe le titre du livre : accéder à un « moi plus pur », ne plus être l’héritier inconscient d’un credo, d’un dogme, d’une tradition, d’un livre, d’une transmission au prix d’une coûteuse rupture avec lui même. Il loue la littérature et ses séductions mais la dépasse, pour une philosophie du scepticisme qui ne possède pas la vérité mais un doute en perpétuelle autocontradiction, une pensée dialectique sans but clair mais sans limites. On reste sous le charme de l’itinéraire de ce jeune auteur que l’intelligence, l’ouverture et la droiture intellectuelles rendent si sympathique. (L.K. et C.R.P.)

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