Pour qui je me prends

SAINT-MARTIN Lori

Née en 1959 à Kitchener, petite ville industrielle de l’Ontario (Canada), dans un milieu ouvrier
anglophone unilingue, Lori Saint-Martin comprend vite qu’elle ne survivra pas si elle y reste confinée.
Elle découvre le français, qui devient sa bouée de sauvetage, comme elle renouera avec l’espagnol,
« floraison tardive, douce et inattendue ». Pour cette femme qui change jusqu’à son nom (Farnham)
pour fuir son milieu, la passion des mots, des langues et de la traduction est née, qui la réconcilie
progressivement avec ses origines.

Dans cette très belle autofiction, subtile et sensible, marquée d’une écriture magistrale, la romancière
touche par son intelligence et sa bienveillance. À l’instar de Proust qu’elle cite, sans l’inclure dans ses
auteurs favoris, « la vraie vie c’est la littérature ». Comme dans ce jeu de doubles miroirs, traversés
de bribes du monde extérieur, qu’elle évoque dans un chapitre madrilène, elle écrit, s’interroge sur
le sens de ce qu’elle écrit et sur les raisons de son écriture. Ce qui pourrait passer pour cérébral vibre
au contraire d’incarnation. Les langues sont charnelles, leur découverte une retombée en enfance et
leur exercice un échange épanouissant de regard. Cent-cinquante pages d’amour de la vie par le truchement des mots. (D.M.-D. et C.R.P.)