Prendre refuge

ENARD Mathias, ABIRACHED Zeina

Afghanistan 1939/ Berlin 2016 : le lecteur voyage d’une Ă©poque Ă  l’autre, de l’Orient Ă  l’Occident, tĂ©moin de la naissance de 2 histoires d’amour, aussi subtiles qu’impossibles. 
Des destins diffĂ©rents mais marquĂ©s par la guerre : imminente pour l’exploratrice et l’archĂ©ologue, traumatisme rĂ©cent pour la rĂ©fugiĂ©e syrienne, lointain passĂ© pour le jeune allemand.
Beaucoup de mystÚre aussi dans ces évocations croisées de la voute céleste avec ses constellations qui ne se rencontrent jamais, chacune dans son hémisphÚre.
Le dĂ©cor des Bouddhas de Bamyan, monuments Ă©nigmatiques dans ce grand pays inconnu d’alors, donne prĂ©texte Ă  l’une des hĂ©roĂŻnes pour distiller quelques grains de sagesse « On ne se convertit pas au bouddhisme, on y prend refuge  ». Dans l’ambiance plus familiĂšre du Berlin contemporain flotte nĂ©anmoins un parfum de solitude que rien ne peut effacer.

Si le texte de l’écrivain Mathias Enard, en discrets phylactĂšres, est d’une grande force Ă©vocatrice, c’est le dessin qui donne Ă  cette BD sa beautĂ© magnĂ©tique. Le noir et blanc de Zeina Abirached, artiste franco-libanaise, est puissant, Ă  la maniĂšre de Tardi dont elle se reconnait d’ailleurs. 
Il y a, entre les scĂšnes, de longues plages poĂ©tiques peuplĂ©es de signes blancs sur une nuit totale, qu’on peut voir comme des respirations ou dĂ©crypter comme des connexions.
 « Je lis le ciel avec mon doigt, comme des points Ă  relier, des chemins Ă  prendre, des ĂȘtres Ă  rejoindre »

Superbe roman graphique Ă  contempler longtemps aprĂšs l’avoir lu !

(Ă  rapprocher d’un autre ouvrage de la mĂȘme dessinatrice : Le piano oriental).

(BV-MT)