C’est bien la « pénombre » qui recouvre treize nouvelles enracinées dans le mal : la violence gratuite et bien visible des délinquants, tueurs professionnels, et celle larvée et insidieuse des mauvais pères, des éducateurs infâmes, des maris traîtres. L’une engendre l’autre, un enfant victime se transformant en un adulte criminel. Aucun mélodrame mais un ton cynique d’observateur attentif. Chaque récit devient écho, créant une unité : des personnages se croisent, des destins s’enchevêtrent. Ainsi un tableau de Millet apparaît plusieurs fois. Il permet l’intrusion du surnaturel : certains protagonistes, hypnotisés par l’oeuvre, finissent dans le tableau, happés par sa beauté… De même la frontière entre l’écrivain qui fait mourir ses personnages et l’homme qui en tue un autre dans la vie réelle est poreuse… Ce flou entre réalité et imaginaire apporte une poésie en clair-obscur. Le style magnifique de Jaume Cabré (Voyage d’hiver, NB avril 2017) transcende à merveille les exigences de ce genre littéraire. Noir et superbe. (B.Bo. et F.L.)
Quand arrive la pénombre
CABRÉ Jaume