Combien les hommes ignorent ou déprécient la poésie écrite par les femmes ! Faits et chiffres sont accablants. Pourtant, à lire ce florilège des poétesses francophones, les talents, multiples, ne le cèdent en rien aux oeuvres masculines reconnues. Sous le patronage de Sappho, voici les gentes dames du Moyen Âge, pas prudes pour deux sous, dont les vers se chantaient. Puis vient le français de la Renaissance et ses subtilités, la préciosité du XVIIe, l’esprit du XVIIIe. Les siècles suivants tiennent une grande place, les femmes poètes y ont laissé davantage de traces, de Marguerite Burnat-Provins et ses brûlants poèmes en prose, jusqu’à la sombre Vénus Khoury-Ghata.
Dans son introduction longue et studieuse, Françoise Chandernagor (Les dames de Rome, NB avril 2012) déplore un ostracisme injuste, donne sa définition de la poésie, explique ses choix. Le thème n’implique pour les poétesses ni fadeur ni sentimentalisme, mais passion, sensualité, fureur, désespoir, ironie… Les noms attendus sont là, beaucoup d’autres – trente-quatre au total –, souvent inconnus, réservent de belles surprises. Pour chacun, une biographie substantielle. L’oeuvre, sa métrique y sont étudiées, l’atmosphère littéraire et sociale abordée, les destins rappelés, veuvage de Christine de Pisan ou malheurs de la tendre Renée Vivien. Un bon travail, une lecture heureuse. (M.W. et B.T.)