J’allais avoir cinquante ans ; lui, mon père biologique, approchait des soixante-quatorze ans. Nous nous étions vus de loin en loin. À mon mariage, Michel, mon père adoptif, et Maurice, mon père biologique, étaient là. Ils s’étaient serrés la main, puis plus rien pendant des années. Michel s’est suicidé en 2008. Pour moi, il était temps de retrouver mon “vrai” père. Par mes questions (rencontre, mail, téléphone), je vais apprendre ce père, Maurice Maman, juif marocain, fils de Mardochée et de Fréha, accoucheur qui ne sut pas être là pour ma naissance. À ma première interrogation « qu’est-ce qu’être juif ? » sa réponse fut claire : « c’est avoir peur », « c’est le regard de l’autre qui te fait juif ».
Dans son précédent roman, L’homme qui m’aimait tout bas (NB juin 2009), Éric Fottorino évoquait son père adoptif. Ici, il découvre sa famille marocaine et un père atteint d’une maladie orpheline contre laquelle il lutte vaillamment. Entre la Tunisie de Michel et le Maroc de Maurice, « les temps se mélangent en une insaisissable fantaisie ». Éric se façonne une identité double avec une insatiable curiosité. On peut aussi aimer deux pères comme on aime deux enfants. Des questions intimes tissent avec lenteur et une extrême pudeur cette quête du père. Un témoignage profondément émouvant, d’une écriture ciselée.