Grand diseur de billevesées paillardes, chantre de la bouteille, conteur aux personnages extravagants : cette image de Rabelais fait oublier la grandeur et l’originalité géniale d’une oeuvre encore énigmatique, d’une érudition parfois impénétrable. Quant au personnage, on le connaît mal, malgré la célébrité qui lui vint de son vivant. Moine, médecin, juriste, traducteur, enseignant, alchimiste, espion peut-être, il vécut en un siècle glorieux, celui de François Ier, Henri VIII et Charles-Quint, et dangereux. Guerres, bûchers d’hérétiques accompagnèrent son parcours agité qui lui fit côtoyer grands personnages et lettrés.
Dans cette biographie coupée de blancs mystérieux, face à des textes où, à chaque ligne, événements historiques, allégories et allusions philosophiques et religieuses se dissimulent, le moindre document est précieux : correspondances, publications d’alors, archives (l’ouverture de celles du Vatican se révèle fructueuse). Mireille Huchon en a accumulé des milliers, les cite, les commente, les interprète, les prend. Et reprend… L’incroyable érudition de Rabelais, son désir de structurer la langue française encore mal définie émerveillent, engageant à revenir à son oeuvre avec un oeil nouveau. À travers cette exégèse pléthorique, le portrait de l’homme demeure flou. Un regret qu’imposait peut-être la rigueur historique…