Requin

Années 70. Zack Busner, psychiatre, vit à Londres avec un collègue, quelques patients et sa famille dans une communauté thérapeutique libérée où circule la drogue. Parmi les patients, un ancien marine a vécu l’atroce naufrage – mille passagers parmi les requins ! – d’un cuirassé transportant des éléments destinés à la bombe atomique. Par ailleurs, deux frères sont objecteurs de conscience. L’un, pilote de bombardier malgré lui, participe à l’opération Hiroshima ; l’autre traverse les destins d’une mère maltraitante et de sa fille prostituée, héroïnomane et alcoolique. Tous, étrangement présents, sont liés d’une façon ou d’une autre.  Avec leurs références à l’Histoire, les passés se reconstituent dans le cours des myriades de « petites pensées-fretin-frétillantes », alimenté par la drogue, l’alcool, la folie, la violence : flot ininterrompu où rôdent les requins, réels ou fantasmés. Pas de paragraphe, pas de chapitre. La dextérité permet cependant de reconnaître les ruptures, de passer d’une histoire, d’un personnage à un autre. Dans ce tableau halluciné du XXe siècle, Will Self (Parapluie, NB mars 2015) exploite avec maestria les « moyens d’expression infinis » de la langue anglaise. Une oeuvre exigeante, magistrale pour les uns, très déroutante pour d’autres. (M.W. et A.Le.)