Auteur du documentaire Âme en sang, consacré aux vétérans de la guerre d’Irak, Olivier Morel laisse monter les sentiments qui l’animaient lors du tournage, face à ces hommes et ces femmes traumatisés à vie, comme l’était déjà Marius Estratat, un des derniers survivants de la guerre de 1914, rencontré en 1997. Il y a Ryan qui sombre dans l’alcool et randonne dans le désert, seul lieu d’apaisement, Travis qui s’est suicidé, Jeff et ses cauchemars, Lisa qui n’en finit pas de se replonger dans l’horreur qu’elle a vécue en soignant les prisonniers torturés par ses frères d’arme. Sortant de la seule relation des faits et se mettant en scène lui-même, l’auteur médite sur ces rencontres qui ont pu accentuer le traumatisme des intéressés et ne le laissent pas indemne.
Plein d’empathie, un très beau dessin, comme aquarellé, va au-devant des personnages pour les rendre présents au lecteur. Parfois, le trait se dilue et les tonalités grises se teintent de sang, pour accompagner les hallucinations des anciens soldats. Direct et efficace, le scénario tire du tragique des situations individuelles une vive critique d’un rêve américain méprisant pour les pauvres gens qui le servent, les « uncounted ».