En banlieue parisienne, Nathan, orphelin de mère et inconsolable, tente d’échapper à l’ennui d’une vie sans attente en s’immergeant dans les jeux vidéo et l’ivresse du jeu du foulard, qu’il finit par pratiquer seul, dans sa penderie. Dans un bidonville du Caire, Goma, orphelin de père et gamin des rues, exalté par la perspective d’un avenir meilleur, participe aux manifestations de la place Tahrir. Si l’un rêve de la France comme d’un paradis d’abondance, l’autre, venu en touriste en Égypte, est effrayé par sa misère et sa saleté. Le jeu de miroir et de correspondance entre les deux adolescents est renforcé par la narration qui passe souplement de l’un à l’autre, au milieu d’une phrase dont un fragment fait sens de part et d’autre. Ce lien, rappelant Le tombeau de Tommy (NB novembre 2009), convainc ou pas. On se laisse emporter par l’écriture, belle et ondoyante, intense et grave, et l’émotion s’impose devant les descriptions des conditions de vie dans les quartiers pauvres du Caire, la violence et l’injustice, et le courage de Goma. L’homosexualité, le rêve comme échappée d’un réel indifférent ou hostile et la mort s’introduisent dans ce roman désenchanté et dérangeant.
Rêveurs
BLOTTIÈRE Alain