Schizogrammes

VENET Emmanuel

Des « brèves » comme il en est de comptoir : Marcel et Marcelle dont la langue trébuche « hors de la fade normalité » s’expriment en aphorismes cocasses, déconstruisent le langage à leur manière, et alignent avec aplomb des « perles de carabins ». Marcel(le), hors du temps, tantôt masculin, tantôt féminin, n’a pas plus d’identité que l’Oscar des salles de classe d’antan ; il est le personnage fictif censé incarner la détresse psychique. Une vingtaine de courts chapitres organisent ce corpus d’anecdotes en saynètes à deux personnages, médecin et patient, pour mettre en valeur l’involontaire fantaisie langagière de l’un et l’attention (compatissante ou amusée ?) de l’autre. À quelles fins ?

On aurait aimé y voir dénoncée la dérive sécuritaire d’aujourd’hui qui rétablit dans ses droits l’enfermement condamné naguère, l’institution usant du pléonasme plus que de l’oxymore pour associer schizophrène à dangereux. Sur ce chemin, Emmanuel Venet ne s’engage que peu. On aurait aimé, plus encore, en dépit des précautions dont il s’entoure dans le prologue et du floutage de son Marcel, que le praticien devenu écrivain résiste à la facilité d’un « bêtisier » indécent.  Schizogrammes ? Le néologisme laissait espérer une approche tout autre de ces expressions drôles, incongrues, étrangement cohérentes, poétiques parfois : la référence initiale à Artaud et à Michaud invitait à y chercher un autre rapport au monde qui interroge la logique du nôtre.  (C.B et J.G)