Pourquoi, dans un cocktail new-yorkais, une femme inconnue jette-t-elle un verre de vin à la figure du narrateur ? Cet incident humiliant le renvoie à sa jeunesse en Allemagne de l’Est. Dans une famille proche du pouvoir, sa mère, frustrée et dominatrice, l’a poussé à adopter une personnalité fondée sur l’imposture. Poète prétendu, il s’enfonce dans le mensonge et construit sa vie et ses amours sur ce fragile édifice… Mais bien évidemment, le passé le rattrape.
L’enfance du héros, son anesthésie progressive face aux exigences maternelles et aux vexations de ses camarades, l’échafaudage éprouvant de ses mensonges successifs, le grotesque des soirées culturelles familiales, la prétention intellectuelle de la jeunesse étudiante contestataire, le régime est-allemand… tout cela est décrit avec une ironie ambiguë, une cruauté joyeuse et une finesse d’analyse délectables. Le raccord final entre passé et présent du narrateur est plus artificiel, le montage en est compliqué, presque laborieux. Les chapitres précédents n’en gardent pas moins tout leur brio. L’homme licorne (N.B. fév. 2004) était prometteur, James Lasdun atteint ici une virtuosité déjà bien reconnue aux États-Unis.