Pour se sentir encore exister, Helena, quatre-vingt-treize ans, parle de sa longue vie Ă Rachida, sa prĂ©cieuse assistante marocaine. Elle lâĂ©crit aussi : enfance en Flandre d’oĂč est originaire sa famille paternelle, puis adolescence en France pendant la premiĂšre guerre mondiale. La duretĂ© de sa mĂšre quâelle juge avec une lucide cruautĂ© assĂšche son horizon affectif dont quelques rares Ă©motions Ă©mergent : complicitĂ© avec un frĂšre cynique, homosexuel, dĂ©couverte de la sexualitĂ© avec un mari anglais, maternitĂ© Ă peine soulignĂ©e. Elle emplit ses pages, parfois irrespirables, d’images terrifiantes des tranchĂ©es, d’hommes broyĂ©s, de la ville dĂ©solĂ©e dâYpres.
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Le roman est magnifiquement Ă©crit et traduit : mais pourquoi laisser en anglais certains passages ? Sans ordre chronologique, cette narration Ă la premiĂšre personne traque un environnement familial avec une prĂ©cision dĂ©jĂ remarquĂ©e dans Les dix doigts des jours (NB aoĂ»t-septembre 2007). Les violences de la guerre trouvent un Ă©cho dans le dĂ©chaĂźnement verbal â parfois cru â de lâauteur. Mais cette mĂ©lopĂ©e narcissique, exutoire dâune douleur enracinĂ©e, oppresse le lecteur qui cherche quelque respiration dans ce paysage mortifĂšre, dĂ©sespĂ©rĂ©, anxiogĂšne.