Ivan Bounine (Cf. Tchékhov, NB juillet 2004), descendant “de vieilles et nobles lignées”, écrivit ce roman en 1911. Soukhodol est le nom d’un domaine familial, proche du sien sans doute, peuplé de domestiques et de maîtres insouciants, fantasques jusqu’à la folie, despotes jusqu’à la cruauté. La nature y rythme les vies sauvages et la grandeur de la terre russe s’insinue dans les âmes, attachant à jamais, par d’étranges liens, les serviteurs soumis, ou insolents jusqu’au crime, et leurs propriétaires. Mais les destins s’infléchissent inexorablement vers la déchéance et la ruine. Seuls, les champs de seigle vides subsisteront, toujours du même jaune…
Une vieille servante fait revivre pour les petits-enfants ces jours disparus, emplis de drames et de souffrances, nimbés cependant d’une lumière mythique. Les tableaux se juxtaposent, aux enchaînements inattendus. Paysages, animaux, demeures, décrits avec une ferveur mélancolique, font corps avec les personnages et, le livre fermé, la chronique de ces vies défuntes tourbillonne encore dans le bruissement du vent et le grondement des orages. Une postface éclaire ce récit très slave.