Spéculation et Sentiment poursuit la métaphore grinçante du monde du travail vécu par les salariés comme un champ de bataille miné. Dans ce troisième volume, l’entreprise dans laquelle travaille James, personnage principal, est durement frappée par la crise. L’intrusion de journalistes avides de scoop, le dispositif anti H 1N 1, les entretiens d’évaluation, l’audit inopiné des actionnaires sont autant de prétextes pour porter un regard réaliste mais décapant sur la vie quotidienne du personnel submergé.
On sent le vécu derrière ces saynètes humoristiques de 6 cases, l’auteur croque avec authenticité ce microcosme, cette jungle où des animaux prêtent leurs têtes aux protagonistes. La douceur des pastels, le dépouillement des décors, les traits presque naïfs des personnages contrebalancent à peine les propos sarcastiques ou désenchantés qui sont au coeur du dispositif comique des gags. Paradoxalement, la véracité des situations, les soucis de lucidité voulus par l’auteur s’accommodent mal d’un humour pince-sans-rire. Cette BD, pleine de justesse, charrie avec ses bulles un certain désespoir et peine à trouver une veine comique qui proposerait un exutoire burlesque au monde cynique qu’il dépeint.