Régis Debray évoque le festival d’Avignon en 1956, avec Jean Vilar et Gérard Philippe, « fête légère et grave », basée sur un fonds commun de savoirs et de mythes, qui établissait une continuité entre passé et présent. Celui de 2005 est « une débâcle faite kermesse » qui dilue, gonfle, étale, avec le présent pour idéal, le passé pour repoussoir. Mais pour aucun révolutionnaire le contemporain n’est une valeur. Sous prétexte que chacun a le droit de créer, sans formation, on admet des spectacles indigents, lancés par les médias. Il y a rupture du contrat entre Peuple et Culture, démocratisation de l’insuffisance, psychose des perversions. Les pouvoirs publics brillent non par leur interventionnisme mais par leur abstentionnisme : surtout ne pas interdire, de peur de se tromper, de passer pour rétrograde.
Un pamphlet brillant, qui se lit avec une certaine jubilation. L’auteur, au-delà des insanités présentées en Avignon qu’il fustige avec talent, s’interroge sur les causes de cette dégénérescence de l’art dramatique : transformation des valeurs collectives ? Nouvelles aspirations ? Et pose le problème des rapports entre l’Art et l’État.