2010. L’Espagne est lourdement confrontée à la crise économique. À Olba, petit village proche de la mer, la menuiserie d’Esteban est mise sous scellés. L’artisan s’est laissé prendre au mirage de l’argent facile en investissant dans des projets immobiliers démesurés. Ce matin-là lui reviennent en mémoire soixante-dix années de vie, d’espoirs fallacieux et d’échecs cuisants. Autour de lui, ses anciens amis : Francisco, journaliste et écrivain chanceux, Pedros, promoteur escroc, Justino, investisseur, Alvaro, son meilleur ouvrier… Il revoit son oncle bien-aimé et sa fiancée Léonor qui l’a plaqué pour épouser Francisco. Il doit aussi s’occuper de son terrible père, désormais grabataire. Rafael Chirbes (Crémation, NB juin 2009) parle d’une Espagne côtière ravagée par la bulle immobilière, d’une population pauvre réduite au chômage, voire à la faim, alors que les riches paradent encore. Son amertume et sa rage explosent, son pessimisme sur le genre humain aussi. Il passe d’un personnage à l’autre sans aucune transition, les monologues s’enchaînent sans interruption, sans paragraphes, dans un long gémissement de douleur. On risque parfois de se perdre. Mais quelle puissance ! L’écriture, sombre, dense, touffue, oppressante parfois, colle exactement au propos et on accepte jusqu’au bout d’être entraîné dans ce torrent.
Sur le rivage
CHIRBES Rafael