La maladie d’Alzheimer entraîne peu à peu la mère de l’auteur dans le passé. Lorsqu’il lui rend visite, un irrépressible flot de paroles s’empare de sa personne fragile et menue : elle revit les années douces passées à Fès, entourée de ses jeunes enfants, convoque les amis disparus ou les voisins qu’elle aimait recevoir. Si sa fille aujourd’hui lui paraît étrangère, elle se souvient précisément de sa jeunesse et raconte par bribes chaotiques nombre de choses que son fils ignorait. Ainsi se profile l’image des trois époux qu’elle a perdus, éclairant d’un jour nouveau les souvenirs qu’avait l’écrivain de son père.
Attentif et impuissant, Tahar Ben Jelloun voit sa mère se détacher du monde. D’une plume poétique (cf. Partir, NB mars 2006), il rapporte ses humeurs changeantes, les instants de lucidité et de détresse qui témoignent de sa lente déchéance. Au maternel désordre intérieur répond la tristesse muette du fils. Mais cet accompagnement vers la mort lui est aussi un enrichissement, ce récit bouleversant de pudeur et d’amour le reflète.