Tigre, tigre !

En 1995, dans le New Jersey, alors qu’elle n’a que sept ans, Margaux croise le chemin d’un pédophile. L’homme, séduisant, la cinquantaine, vit de petits boulots dans la maison de sa compagne, une bâtisse mal entretenue pleine d’animaux exotiques et de jouets qui attirent la fillette. L’inconscience de la mère, une sotte maniaco-dépressive, le silence des témoins et l’impuissance du père, un Portoricain alcoolique et brutal, trop maladroit pour protéger sa fille, favorisent la stratégie du pervers qui s’insinue inexorablement dans la vie et le coeur de l’enfant. Leur liaison va durer quinze ans. Construite comme un roman, cette histoire est celle de l’auteur. Dans une bouleversante reconstitution de ce qu’elle a vécu, elle tente, par l’écriture, de donner un sens au caractère inarticulé et terrorisant de son expérience : se construire ainsi, trahie par les adultes, pervertie par une initiation en douceur à des jeux sexuels dont elle sent obscurément qu’ils sont interdits mais qui la lient d’un amour mortifère à son suborneur. L’évolution de la perception qu’elle en a, à mesure qu’elle grandit, les mots qu’elle emploie pour raconter l’ambivalence, la culpabilité, la violence sont d’une sobriété poignante, magistralement maitrisée. À noter, l’excellente traduction de Marie Darrieussecq.