Un matin, très loin dans l’ouest de l’Islande, un homme, au premier rang d’une église froide… Il ignore qui il est, et comment il est arrivé là. Grâce à un personnage énigmatique surgi du dernier rang, puis de deux sœurs qui semblent bien le connaître et qui le familiarisent avec les habitants du fjord – paysans, éleveurs, pêcheurs et musiciens – il reconstitue progressivement l’histoire des familles qui, depuis cent-vingt ans, luttent pour leur survie et auxquelles il est sans doute mêlé.
Cette très belle saga quasi anthropologique est aussi un grand roman psychologique, poétique et métaphysique, un récit de passions puissantes et un hymne nostalgique à la musique des années 60. Jòn Kalman Stefánsson (Ásta, Les Notes août 2018) emporte le lecteur dans des paysages d’Islande alternativement arides et explosifs, et le plonge dans le cœur mélancolique des autochtones, fait d’attachement viscéral au pays, de gravité fantasque, de rigueur humoristique, et d’angoisse existentielle. La puissance émotionnelle, le style lyrique, l’ambition méditative, le brio narratif, les mises en abyme sur le thème de l’écriture, dont l’auteur se fait une haute idée, méritent qu’on passe outre le foisonnement des personnages qui peut rebuter – l’éditeur aurait dû inclure une généalogie – et un dénouement somme toute inachevé. Un roman intense et émouvant. (D.M-.D. et B.T.)