À New York, Iris et son compagnon reçoivent tous les soirs deux invitées, auxquelles Iris raconte des histoires. Ce soir, elle a décidé de leur parler de « demi-sœur Ling ». Quelques années plus tôt, Ling est une ouvrière chinoise qui travaille dans une usine de fabrication de femmes en silicone. Elle n’aime rien tant que la routine et l’immuabilité. Tous les soirs, elle regarde le même film, Paradise Express, en compagnie de la poupée sans tête qu’elle a achetée. Mais elle est promue assistante d’une femme chargée d’améliorer les capacités conversationnelles des poupées à partir d’un modèle test baptisée Harmony. Un jour, Harmony entreprend de raconter à Ling l’histoire d’Ada, la fille de Lord Byron.
Trois femmes, dont l’une, Iris, est une IA, trois âmes sœurs vivant à des époques différentes, et qui ont en commun de se rebeller contre le destin qui leur a été assigné. Le roman, d’une construction rigoureuse, symétrique, comme une poupée gigogne à trois niveaux, est d’un abord déroutant et laisse des questions en suspens. La curiosité est en éveil d’un bout à l’autre. Une atmosphère singulière, à l’image des personnages qui le sont tout autant, est entretenue par une belle écriture évocatrice, cadencée, qui alterne prose classique et coupée. Le thème de l’intelligence artificielle prend finalement moins d’importance que ceux de la sororité, de l’imagination et de la libération des forces de vie. Un conte semi-fantastique original et prenant. (M.D. et E.M.)