Ultramarins

NAVARRO Mariette

Un cargo lourd de containers trace sa route dans l’Atlantique.  À la tête de l’équipage, une Commandante mène ses hommes et sa mission marchande avec une calme rigueur. Jusqu’à ce jour où, passées les Açores, les radars coupés, elle invite tous les marins à une baignade improvisée en pleine mer, elle seule restant à bord…

Étrange initiative qui contrevient à tout règlement, parenthèse magique qui ouvre une brèche dans la marche des jours, dans les rapports codifiés des uns avec les autres, dans la perception que ces hommes, nageant nus, tous ensemble, s’autorisent de celle qui, de la passerelle, loin au-dessus d’eux, tient leur vie en ses mains. Le temps de l’aventure s’est substitué au temps routinier du commerce, le temps d’une renaissance dans la joie de chacun à jouir de son corps, dans un espace hors du monde. Mariette Navarro a des pages sublimes pour décrire ce moment d’absolue liberté, d’innocence première et d’y introduire le trouble : sont-ils 20 ou 21 à remonter sur le canot ?  Quel est celui qui serait ainsi hors champ et pourtant là ? Elle nous fait suivre en même temps l’aventure personnelle de son héroïne, l’itinéraire existentiel d’une femme hors du cadre assigné, avec sa part de fragilité, de mystère et d’héritage familial… L’écriture évite les envolées lyriques que le sujet autoriserait et les clichés que le mot « vaisseau » a inscrit dans notre imaginaire ; ses « ultramarins » même viennent d’un autre lieu de la langue inventé ici par la romancière pour dire l’intensité d’une expérience entre réel et imaginaire (C.B et S.H)