Un bruit étrange et beau

Marcus s’appelait William avant de devenir moine à la Chartreuse de la Valsainte. Vingt-cinq ans de prières et de silence avec quelques autres condisciples, dans la solitude la plus extrême. Parmi sa famille, nombreux furent ceux qui eurent beaucoup de difficultés à comprendre sa démarche. Ainsi, sa très riche tante qui crut toute sa vie qu’il fuyait le monde et donc gâchait un avenir plein de promesses. Elle meurt et laisse un testament qui ne doit être ouvert et lu qu’en présence des héritiers : deux de ses cousins et lui-même, le moine. Il décline, du fait de son voeu de pauvreté, mais le père abbé l’incite à accepter pour pouvoir réparer le toit de la chapelle. Il part alors à Paris, se remémorant les rapports difficiles du jeune William avec sa tante qui, il le verra plus tard, saura par la nature du legs lui rappeler avec humour son opinion sur sa vocation. Dans le train il rencontre une jeune fille atteinte d’un mal incurable qui n’a plus que quelques mois à vivre. Il lui faut alors enfin rompre le silence…  Oui, c’est bien le créateur de Titeuf qui est l’auteur de cette BD ! Il choisit cette fois une thématique difficile : la valeur du silence, du renoncement, de l’abnégation pour une vie de prières. Vingt-cinq années passées dans la solitude, face à soi-même peuvent-elles s’expliquer uniquement par une fuite du monde et une peur des responsabilités? La recherche de Dieu, bien qu’incompréhensible humainement peut-elle expliquer autant de sacrifices ? L’héritage est l’occasion pour William de se confronter au monde et ce qui l’accompagne : le bruit, l’art, la beauté, la vie, la rencontre, l’amour. Zep s’interroge sur le silence, Dieu, la mort, mais aussi sur le monde bruyant, même beau et étrange. Il ne prend pas position : son personnage, malgré tout l’attrait découvert en dehors de sa cellule, y retournera continuer sa quête d’absolu. Les planches monochromatiques au dessin parfaitement maîtrisé renforcent le ton intimiste, voire mélancolique, de ce superbe album. (C.D. et Y.H.)