Un couple d’octogénaires partage depuis soixante ans sa passion de la littérature et de la nature au cœur de la forêt vosgienne dans une maison austère. Les seuls contacts avec la civilisation sont, pour Sophie, de rares expéditions de ravitaillement ou quelques signatures de livres. Grieg vit en ermite dans son antre, une foisonnante bibliothèque qu’il relit à l’envi. L’adoption d’une jeune chienne martyrisée bouscule leurs habitudes.
L’irruption inopinée d’un animal domestique dans cet environnement sauvage agit comme un détonateur dans le huis clos de ces deux êtres fatigués. L’intellectuel quitte momentanément sa bibliothèque fétiche, « l’écri-vaine » retrouve la mobilité et reprend l’exploration de son environnement peuplé de cerfs, biches et oiseaux, la surveillance de commandos de « survivors » et de randonneurs du GR5. Le parallèle entre le déclin des corps de « vioques » et la dégradation de la nature, la disparition des espèces, le recul de l’enneigement est d’une sensibilité et d’une poésie à couper le souffle. Quel bonheur de déambuler dans la tête de la plasticienne et romancière Claudie Hunzinger (Les grands cerfs, Les Notes novembre 2019) qui poursuit son ode à la nature et à la littérature. Une subtile et marquante mise en abyme de l’usure des hommes de la décroissance des espèces par cette diariste fantaisiste qui en fait conserve fraîcheur, dynamisme et bel appétit de vivre. (S.D. et A.K.)