Août 1949. À la frontière égyptienne, des soldats israéliens font une sortie de reconnaissance et tombent sur quelques Bédouins. Une fusillade éclate, tous les Bédouins sont tués. Une jeune fille épargnée est enlevée et ramenée au camp. D’abord violée, elle sera très vite éliminée. Vingt-cinq ans plus tard, une Palestinienne lit dans un journal un article relatant les faits. La coïncidence avec sa date de naissance la hante et elle enquête pour honorer la mémoire de la victime.
Adania Shibli, auteure palestinienne (Nous sommes tous à égale distance de l’amour, Les Notes février 2014) part d’un fait réel pour décrire deux mondes : celui des occupants et celui des occupés. Dans la première partie, elle explicite avec une précision chirurgicale la vie du camp. Aucun dialogue, hormis quelques ordres jetés aux subalternes, aucun sentiment, aucune émotion, mais beaucoup de réactions sensorielles : chaleur du désert, moiteurs, odeurs et couleurs omniprésentes. Dans la seconde moitié du récit, raconté aussi factuellement mais à la première personne, apparaissent le mal-être et la peur ; les bombardements avec le bruit, la poussière et les passages de check points qui réglementent le droit de circuler. L’angoisse de l’enquêtrice – qui n’a qu’un laisser passer pour la journée – va atteindre son paroxysme à la toute dernière page. (M.-P.R. et C.-M.T.)