Un papa de sang

Jean-Pierre, Ange et Immaculée, Idelphonse et Jean-Damascène, Nadine, Fabiola et Fabrice, Sandra… Deux décennies après le génocide, ces neuf Rwandais, hutus et tutsis de seize à vingt-deux ans, témoignent. Ils ont grandi sur les collines de Nyamata. Tour à tour, ils racontent le travail agricole indispensable, le lycée tant désiré, les petits boulots, les relations ambiguës avec leurs parents – rescapés, libérés ou encore emprisonnés. Ils évoquent sobrement les tueries qui ont bouleversé l’histoire familiale, troublent leur vie et pèsent sur leur avenir. Après les tueurs et les rescapés (Englebert des collines, NB juin 2014), Jean Hatzfeld s’intéresse au Rwanda sous un nouvel angle. S’il retrouve des Rwandais des précédents ouvrages, il interroge surtout leurs enfants, après des portraits approfondis. Dans un français au rythme et au vocabulaire très particuliers, souvent savoureux, chacun parle librement, autant qu’on puisse en juger. Certains parents apportent leur éclairage. Les massacres ne sont pas oubliés mais souvent – tous sont chrétiens – la prière les apaise ainsi que l’espoir de fonder une nouvelle famille. On les imagine facilement : cabanes, maisons neuves, vélos, chorales religieuses, marchés animés, bananeraies… jusqu’aux immenses marécages du fleuve. Une simplicité et une sincérité bouleversantes. Et beaucoup de questions en suspens. (C.Bl. et M.-C.A.)