La mémoire saturée par les rôles de figuration dans les films série B de ses débuts, l’imagination débordante d’intrigues efficaces encensées, Paul Jarvis, VIP de l’écriture de scénarios, entouré de son épouse, de son agent et de sa secrétaire, promène sa distance chic, sa facilité indolente et une presque toute puissance entre Paris et Majorque. Jusqu’à ce matin où il se réveille possédé d’un sentiment de vide absolu, lequel laisse sa feuille immuablement et dramatiquement blanche. Sa vie étroitement amalgamée à ses fictions va alors le dépasser. Persuadé d’être victime d’une machination, obsédé par le spectre d’un avenir sinistre de pigiste pour séries télé d’après-midi, il se juge légitimé à commettre le crime-presque-parfait.
La plume avertie, fluide, de Stéphane Denis (cf. Les immeubles Walter, NB décembre 2004), est parfaite pour suivre le héros principal et silhouetter chacun des protagonistes dans ce polar goguenard. Elle fait rebondir avec aisance les situations subtilement composées, teinte d’humour le graveleux, de comique le dramatique. Elle manipule le lecteur, le fait complice amusé, pas dupe pourtant de ce « parfait salaud » jusqu’à ce que la démontante, succulente chute le fasse s’interroger : l’assassin est-il coupable ?