Militaire par choix et espionne par les hasards de la vie, la capitaine Agnès Delvaux surveille Guillaume Trimbert, écrivain un peu décalé, communiste de coeur, à l’existence un brin désenchantée. Les attentats de 2015 ont marqué les esprits et un phénomène nouveau, incontrôlable, se répand : une succession de disparitions inexpliquées. Trimbert, qui aimerait lui aussi se retirer de la société, réussira-t-il son « Éclipse » ?
Disparaître pour se reposer du monde, qui n’a jamais eu ce fantasme d’évaporation ? Dans le même registre d’une France à l’agonie que Le Bloc (NB janvier 2012), Jérôme Leroy écrit une fiction articulée avec intelligence, où alternent en parfaite concordance les dires de l’écrivain et de la capitaine. Il pénètre l’intimité de l’un pour approcher la source du harcèlement de l’autre et prête à ce personnage qui rate sa vie avec obstination beaucoup d’humanité. Tragique et ironique, parfois violent, le texte, très houellebecquien dans sa vision du monde, est d’une poésie noire et désenchantée. Il établit un constat doux-amer et offre un miroir où se reflète une société ultra-connectée qui a supprimé l’absence et l’isolement. C’est la fin d’un monde que Jérôme Leroy met en scène d’une plume à la fois séduisante et vénéneuse. (Maje et M.-N.P.)