« Figure-toi que je viens de me souvenir d’une chose incroyable » annonce Jacominus à son ami Policarpe, le zébu. Oui, mais le lapin, qui se réveille tout juste d’une sieste à l’ombre du cerisier, a oublié de quoi il s’agissait ! Guidé par les questions de Policarpe, va-t-il se remémorer « cette chose insignifiante aux yeux de tous » mais si importante pour les deux amis ?
Nous retrouvons le héros attachant des Riches heures de Jacominus Gainsborough, ici dans la force de l’âge. Dans la lignée de Marcel Proust et de Beatrix Potter, les deux compagnons remontent le fil de leurs souvenirs jusqu’à la scène déterminante de l’enfance, source de leur grande amitié. Le texte est rythmé, à la manière d’une randonnée, par les questions du zébu qui ravivent les moments partagés. Les illustrations, légèrement anamorphosées quand vient le souvenir, sont somptueuses, riches des influences de Jérôme Bosch, Pieter Brueghel et même Benjamin Rabier. Les tons dominants, bordeaux et bleu canard, restituent la trame du passé. On peut écouter le texte lu par l’autrice elle-même (CD ou QR code) accompagné de morceaux de jazz (un peu trop prégnants parfois), de chants d’oiseaux, de bruitages divers. Une superbe plongée dans les mécanismes de la mémoire, à la découverte de ces minuscules événements si « formidables » à l’aune d’une vie, à partager sans modération dès 6 ans. (M.-C.G.)