Gaspard, à dix-neuf ans, fuit Quimper, la famille qui n’en a que le nom, l’élevage de truies, pour rejoindre Paris et échapper à sa condition. En 1760, Paris n’est guère clément pour les miséreux. Il survit grâce à de pénibles travaux journaliers. Le hasard le place chez un perruquier, où il rencontre le comte de V, instrument de sa réussite mais aussi de son avilissement. La jeunesse, le physique de Gaspard suscitent la convoitise de ces messieurs bien nés. Devenu giton, il use de ses charmes pour favoriser sa réussite sociale. Manipulé, abusé, il ne peut survivre qu’en s’affranchissant de sa conscience, de ses amitiés, mais l’argent, la soie, les parfums n’effaceront pas les outrages et ne masqueront pas les relents entêtants de la misère.
Quel talent dans ce premier roman ! Cet auteur de vingt-six ans dévoile un étonnant sens de la narration. Paris, personnage à part entière, exhale sa puanteur, exhibe sa pauvreté, broie le petit peuple. Le vocabulaire riche, coloré, la phrase ample, imagée, donnent vie à cette ville cannibale, dressent le portrait poignant d’une société où extrême misère et indécente richesse se côtoient, n’offrant guère que l’alternative : réussir ou mourir. Quelle maîtrise, quelle puissance de style !