La famille De Ontañeta règne sur la Banque Nationale de Lima, sur le sucre, sur le coton, sur la presse et sur de clinquantes demeures à la vaste domesticité. Lorsque l’aïeul s’éteint à cent cinq ans dans la serre d’où il refusait de sortir – et dans des circonstances inacceptables – son fils hérite de tout… y compris de ses maîtresses. Lui-même laissera, l’heure venue, une épouse hystérique, deux filles extravagantes, des gendres incapables, parents d’enfants paresseux, névrosés, voleurs et/ou alcooliques. Leur monde s’écroule, la famille flotte à la dérive dans un univers fantasque où les drames s’accumulent. Alfredo Bryce-Echenique (Le Verger de mon aimée, NB avril 2006) poursuit son observation d’une société péruvienne aristocratique richissime, glissant avec une admirable inconscience, tout au long du XXe siècle, vers un irrésistible déclin. En de longues et superbes phrases il va, vient, s’égare, déconcerte et trace avec impertinence et dérision des portraits savoureux. Des situations empreintes d’une ironique nostalgie flirtent avec une douce absurdité. De la tendresse aussi pour ces héritiers victimes de la vanité d’une classe sociale dont le ridicule se distille avec un singulier humour tout au long de leurs tristes aventures. Brillant, piquant, foisonnant, inattendu : un irrésistible roman.
Une infinie tristesse
BRYCE-ECHENIQUE Alfredo